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Inobservance à la médication : causes, conséquences et pistes de solution

Dernière mise à jour : 3 sept. 2021

Par Ida Eglantine Nana Yonpang, étudiante en 4e année au doctorat de 1er cycle en pharmacie, Université Laval


Le problème de l’observance est sans doute aussi vieux que la pratique de la médecine. Il n'existe pas de définition unique de l’observance, aussi appelée l'adhésion médicamenteuse ou la fidélité au traitement. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), l’observance est « la mesure dans laquelle le comportement d’une personne respecte les recommandations convenues avec un professionnel de santé ».


La régie d’assurance maladie du Québec (RAMQ) quant à elle définit l’inobservance de la façon suivante : se procurer une quantité d’un médicament prescrit plus petite de vingt pour cent (20 %) par rapport à la quantité nécessaire selon l’ordonnance. Le calcul de ce pourcentage s’additionne tous les jours et porte sur une période minimale de quatre-vingt-dix (90) jours. Par exemple, Monsieur BT prend un médicament tous les jours, soit 1 comprimé chaque matin. Le renouvellement à la pharmacie est donc de 30 comprimés chaque 1er du mois. Depuis 3 mois, il vient renouveler ses comprimés après le 10 de chaque mois. Le retard dans le renouvellement des comprimés pendant une période de plus de 90 jours pourrait donc indiquer que la personne serait non-adhérente à sa thérapie.


L’observance consiste donc à respecter la posologie de son traitement au jour le jour (une fois ou deux fois par jour, chaque jour ou une fois par semaine). Elle peut être mesurée par le nombre de doses prises divisé par le nombre de doses prescrites. Si mon médecin m’a prescrit 30 comprimés par mois et que j’en prends un tous les jours du mois, c'est donc considéré comme approprié.


Pharmacienne sourit en regardant une cliente qui tient une boite de médicaments

D’autres éléments sont à prendre en considération, soit l’initiation et la persistance. Madame AB, après avoir reçu sa prescription de son docteur, est allée se procurer le médicament à sa pharmacie et a débuté le traitement. C’est l’initiation. Deux ans plus tard, Madame AB continue de prendre le traitement, car son docteur lui avait mentionné qu’il s’agissait d’un traitement à vie. C’est la persistance, c’est-à-dire le fait de prendre son médicament aussi longtemps que le docteur le prescrit.


Nous voyons donc que la non-adhésion est une notion large qui n’implique pas seulement la prise de la médication, mais toutes les composantes incluses dans le traitement. Dans le cas du diabète, il peut s’agir également de respecter d’autres recommandations comme mesurer sa glycémie à la maison, aller faire ses prises de sang, respecter le régime alimentaire, faire du sport régulièrement et arrêter de fumer.


Cela fait beaucoup d’aspects dont il faut tenir compte. Quel est donc le juste milieu entre toutes ces définitions? Comment savoir si ma façon de prendre mes médicaments et de me comporter face aux recommandations de mon professionnel de la santé est la bonne? Dans un monde idéal, il faudrait :

  • prendre ses médicaments comme prescrit (une, deux fois par jour, une fois par semaine, etc.) pendant toute la durée du traitement ;

  • aller à tous ses rendez-vous médicaux ou de prise de sang ;

  • mesurer sa glycémie ;

  • respecter le régime alimentaire recommandé par notre professionnel de la santé ;

  • faire de l’activité physique chaque jour ;

  • ne pas fumer.


En revanche, le monde idéal, ça n’existe pas! Certaines personnes pourront être capables de suivre toutes ces recommandations, d’autres auront certaines difficultés et cela est tout à fait normal. Chaque personne devrait donc trouver un juste équilibre entre toutes ces mesures et faire du mieux qu’elle peut. Le fait d’oublier un ou deux comprimé(s) par mois, manquer un rendez-vous médical ou repousser une prise de sang ne fait pas forcement de nous une personne non observante. C’est la répétition et la persistance d’oublis ou de manquements qui peut être problématique. Cela dépend toujours du contexte et de plusieurs autres causes.



Les raisons pouvant expliquer la non-adhésion


L’OMS a proposé une classification des facteurs associés à la non-adhésion. Celle-ci peut expliquer les raisons pour lesquelles une personne vivant avec le diabète serait non-adhérente à sa thérapie.

Classification des facteurs associés à la non-adhésion. Cercle divisé en 5 sections. Section 1 : caractéristiques sociales et économiques. Section 2 : caractéristiques de la thérapie. Section 3 : caractéristiques de l'usager. Section 4 : caractéristiques de l'état de santé. Section 5 : caractéristiques du système de santé et des professionnels. Au centre de l'image se trouve la silhouette d'un visage.


Les facteurs associés à la personne et à la composante sociale


Plusieurs éléments sont à considérer. Il peut s’agir à la fois de la composante sociale, émotionnelle, cognitive et comportementale. L’âge ne doit pas être négligé. Autant la personne ainée que la personne jeune est concernée par la problématique. La personne ainée peut avoir des difficultés de vision, de la difficulté à utiliser ses mains pour prendre les objets ou des problèmes de mémoire. La personne jeune, quant à elle, a souvent besoin que ses parents lui rappellent de prendre sa médication. Les difficultés liées aux horaires de travail, à la santé mentale et au niveau d’anxiété de la personne peuvent perturber la bonne prise des médicaments. Notons également que le professionnel de la santé peut nous donner certaines explications d’une façon qui ne nous permet pas de bien comprendre les différents traitements et les bonnes façons de les prendre. Enfin, les connaissances et les croyances (éventuellement religieuses) de la personne peuvent parfois faire penser que le traitement n’est pas nécessaire ou qu’il est dangereux. Certaines données ont mentionné les peurs comme étant une cause d’inobservance (peur que la maladie empire, peur de faire des hypoglycémies, peur des aiguilles et du gain de poids).


Les caractéristiques du traitement médicamenteux


Les médicaments pris une seule fois par jour permettraient une meilleure observance. Ceci pourrait également être vrai pour certaines formes de traitement comme les comprimés (au lieu des injections par exemple). La survenue d’effets secondaires entraine dans certains cas des abandons de traitement ou une baisse de l’observance. En effet, vu que les maladies chroniques comme le diabète sont le plus souvent sans symptômes et que les avantages du traitement sont « silencieux », le fait d’avoir des effets secondaires peut décourager les personnes et faire penser que le traitement apporte plus d’inconvénients que de bénéfices.


Les caractéristiques liées au système de santé et économique


Le volet économique est aussi à considérer. L’accès à une assurance médicaments et la charge des dépenses non remboursées est une cause importante de non-adhésion. En effet, des données provenant de Statistique Canada ont révélé qu’environ un Canadien sur dix ne respecte pas les prescriptions à cause du prix. Au Québec, une étude en 2014 a trouvé que 31,3 % des ordonnances originales n’avaient pas été exécutées après neuf mois. Le fait que les médicaments et les frais de coassurances (frais à payer par la personne) soient élevés augmente le risque d’inobservance.


Les caractéristiques liées aux professionnels de la santé

La relation entre le médecin et la personne vivant avec la maladie participe à mettre en

place le traitement et permet un meilleur suivi par la suite. La qualité de la relation entre le professionnel de la santé et la personne va souvent influencer l’observance thérapeutique. Diverses études ont démontré le lien entre la confiance que le patient place en son équipe de soins et l’adhésion future au traitement. La personne doit se sentir en pleine confiance et non jugée à cause de ses décisions ou de ses croyances.

Pharmacienne sourit à un homme et lui tend une boite de médicaments

Vouloir « améliorer l’adhésion » exige une discussion d’un point de vue éthique. Selon

un extrait publié par la société d’éducation thérapeutique européenne, l’adhésion voulue par les professionnels de la santé peut aller contre les principes d’autonomie et de liberté des personnes. Est-ce vraiment le cas? De nos jours, l’adhésion tend plutôt vers une alliance thérapeutique, c’est-à-dire que la personne et le professionnel s’entendent sur les objectifs du traitement. De ce fait, la personne vivant avec la maladie, son entourage et les professionnels partagent tous une certaine responsabilité.



Aperçu de l’impact socio-économique de l’inobservance


Une inobservance en lien avec les médicaments est associée à un certain nombre de résultats négatifs sur le plan de la santé, comme l’augmentation du nombre d’effets indésirables graves liés à la maladie, les visites aux urgences et les hospitalisations.

Cela inclut :

  • Les coûts directs : les coûts supportés par le système de santé du pays, par la communauté et les familles des patients pour lutter contre la maladie.

  • Les coûts indirects : principalement les pertes de productivité pour la société, par exemple si Monsieur XY doit s’absenter du travail pendant une semaine à cause d’une hospitalisation.

  • Les coûts évitables : il s’agit des dépenses qui peuvent être évitées si la personne respecte toutes les recommandations en lien avec son traitement. Il y aura donc moins de complications de la maladie qui peuvent mener la personne à utiliser les ressources de santé (comme aller voir des médecins, se présenter aux urgences, subir des opérations, etc.).


En 2005, une étude en Amérique du Nord a montré les conséquences de la non-adhésion sur les coûts des soins de santé pharmaceutiques et les coûts associés au traitement du diabète, de l’hypertension, de la dyslipidémie et de l’insuffisance cardiaque au cours d’une période de 12 mois. Il en ressortait que les coûts globaux des soins de santé ont réduit avec de bons niveaux d’observance (> 80%) à la médication malgré l’augmentation du prix des médicaments.


Tirelire en forme de cochon repose sur une pile de pièces de monnaie

Pour toutes ces conditions de santé, le risque d’hospitalisation était plus faible pour les personnes ayant persisté dans leur traitement avec une observance de 80 à 100% par rapport à celles qui étaient moins observantes.


D’autres renseignements provenant d’une étude suédoise en 2011 révélaient que des dépenses médicales importantes dans le système de santé étaient liées au faible taux d’observance thérapeutique.




Comment améliorer mon observance : les pistes de solution


Prendre plusieurs médicaments tous les jours n’est pas toujours chose facile et des oublis occasionnels peuvent arriver. Oublier ou décider de ne plus prendre sa médication à cause d’un effet secondaire ou d’une autre raison est tout à fait légitime. Devant ces obstacles, c’est la décision de se reprendre en main qui fait toute la différence.


Il n’existe pas une stratégie « miracle » pour améliorer son observance à la médication. Les solutions vont varier d’une personne à l’autre. La première étape consiste à identifier la ou les cause(s) de sa non-adhésion. La solution à adopter sera donc personnalisée en fonction de celle(s)-ci. Voici donc en rafale des options intéressantes pour s’aider à mieux gérer sa condition de santé par son traitement :

  • Placer les médicaments toujours à vue (sur la table à manger, au chevet du lit)

  • Associer la prise à un geste du quotidien (après s’être brossé les dents, lors du petit déjeuner)

  • Se mettre des alertes sur son téléphone

  • Utiliser des applications sur son téléphone intelligent pour avoir des rappels

  • Avoir toujours ses médicaments sur soi (lors de voyages ou en milieu de travail)

  • Utiliser un dispill/pilulier ou des dispositifs électroniques disponibles en pharmacie

  • Renouveler tous ses médicaments ensemble ; se fixer un jour du mois

  • Demander à ses proches de faire des rappels si necessaire

La communication de la personne vivant avec le diabète et son professionnel de la santé est d’une importance capitale et doit conduire en une alliance thérapeutique.


Des effets secondaires vous empêchent de poursuivre votre traitement?

Discutez-en avec votre pharmacien(ne), il(elle) a des solutions à vous proposer!


Vos médicaments ne sont pas remboursés par votre assurance? Vos traitements vous coûtent trop cher?

Parlez avec votre pharmacien(ne), il(elle) pourrait discuter avec vous et votre médecin pour trouver des alternatives moins chères!


Vous avez des doutes quant à l’efficacité/le rôle de vos traitements ou toute autre inquiétude?

Discutez-en avec votre professionnel de la santé, il saura vous fournir de l'information à jour et vous rassurer.


Vous êtes l’acteur principal dans ce processus et les professionnels de la santé (pharmacien, médecin, infirmière) sont toujours là pour vous accompagner et vous aider à prendre les meilleures décisions.


Mains d'une personne dans lesquelles repose un flacon de pilules ouvert

Pour suivre l'auteure de ce billet, Ida Eglantine Nana Yonpang, rendez-vous sur sa page LinkedIn : https://www.linkedin.com/in/ida-eglantine-nana-yonpang-70395063/


Documents consultés :


Eduardo Sabaté, Organisation Mondiale de la Santé, Adherence to longterm therapies. Evidence for action. 2003 p3-31.

Gérard Reach, Non-observance dans le diabète de type 2, La Presse Médicale, Volume 42, Issue 5, 2013, Pages 886-892

Manuel des pharmaciens, régie de l’assurance maladie du Québec, fevrier 2021 p 152 25

Matsui DM.— Drug compliance in pediatrics: clinical and research issues. Pediatr Clin North Am, 1997, 44, 1-14.

Odegard PS, Capoccia K. Medication taking and diabetes: a systematic review of the literature. Diabetes Educ 2007; 33:1014-29; discussion 30-1

Deirdre Hennessy, Claudia Sanmartin, Paul Ronksley, Rob Weaver, Dave Campbell, Braden Manns et al. Dépenses non remboursées en médicaments et produits pharmaceutiques et non-respect des prescriptions lié aux coûts chez les Canadiens ayant une maladie chronique. Rapports sur la santé le 15 juin 2016.

R. Tamblyn, T. Eguale, A. Huang et al., « The incidence and determinants of primary nonadherence with prescribed medication in primary care: a cohort study », Annals of Internal Medicine, 160(7), 2014, p. 441-450.

Deccache A., Soins et éducation thérapeutique des patients souffrant de maladie chronique : enjeux éthiques et implications pratiques. Ethica clinica, 65, mars 2012, pp 46-52

Michael C. Sokol, MD, MS, Kimberly A. McGuigan, PhD, Robert R. Verbrugge, PhD, and Robert S. Epstein, MD, MS ,Impact of Medication Adherence on Hospitalization Risk and Healthcare Cost, Med Care 2005;43: 521–530


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